L’emailing reste aujourd’hui l’un des canaux digitaux les plus performants pour entretenir la relation client. Mais pour qu’un email soit vraiment efficace, il ne suffit pas qu’il soit beau : il doit être pensé, structuré et designé pour fonctionner dans tous les contextes. C’est là qu’intervient l’UI, cette discipline qui allie esthétique, technique et expérience utilisateur.
Géraldine Cardon, Directrice de création chez dps, nous livre sa vision de l’UI appliquée à l’emailing. Pour elle, le rôle de l’UI dépasse largement la simple mise en forme : il s’agit de garantir la cohérence cross-canal de la marque sur tous les points de contact digitaux, de transformer les parcours UX en interfaces intuitives et accessibles, et de créer un langage visuel qui guide l’utilisateur sans friction.
Le métier a profondément évolué ces dernières années. L’émergence des design systems a permis de gagner en rapidité et en cohérence. L’accessibilité est devenue un pilier incontournable : concevoir pour tous n’est plus une option, mais une nécessité. Et les contraintes techniques, loin de brider la création, l’aiguisent.
Dans cette interview, Géraldine nous explique comment dps articule contraintes techniques et ambitions créatives, pourquoi l’approche Mobile First est essentielle, et comment anticiper des enjeux comme le Dark Mode dès la conception. Une plongée au cœur d’une discipline stratégique pour renforcer la présence de marque dans les boîtes mail.
Comment définiriez-vous le rôle de l’UI dans la conception des points de contact digitaux aujourd’hui, et en quoi cette discipline a-t-elle évolué ces dernières années ?
L’UI aujourd’hui, c’est garantir la cohérence cross-canal de la marque sur tous les points de contact : web, mobile, apps… Notre rôle est de transformer les parcours UX en interfaces intuitives, accessibles, modulaires (évolutives) et rassurantes. On crée un langage visuel qui permet à l’utilisateur d’avancer sans friction, tout en apportant une dose de design émotionnel pour renforcer la confiance et le plaisir d’usage.
Le métier a beaucoup évolué. On s’appuie désormais sur des design systems pour gagner en rapidité, en cohérence. L’accessibilité est devenue un pilier : concevoir pour tous n’est plus une option.

Géraldine Cardon, Directrice de Création
Quels sont selon vous les principes fondamentaux d’une UI réussie dans l’emailing ? Pouvez-vous nous donner un exemple concret de projet où ces principes ont fait la différence ?
Pour moi, une UI réussie repose sur trois piliers : l’immersion dans l’univers de marque, la hiérarchie de l’information, et surtout la pertinence contextuelle.
C’est sur ce dernier point que nous faisons la différence. L’UI doit s’adapter à la maturité du client vis-à-vis de la marque. On ne s’adresse pas de la même façon à quelqu’un qui découvre pour la première fois qu’à un client fidèle qui vient de réserver ou d’acheter.
Par exemple pour le secteur des parcs d’attractions pour lequel nous travaillons, nous effectuons un gros travail de réflexion en amont pour scénariser tous les parcours possibles sur les emails triggers. L’hyper-personnalisation va bien au-delà du « Bonjour Pierre », c’est tout le design de l’email qui s’adapte au contexte :
- Pour un prospect ou un client « endormi » (qui n’est pas venu depuis longtemps) : l’UI joue la carte de la séduction. On mise sur de grands visuels immersifs, une mise en page aérée (type « magazine ») pour faire rêver et donner envie de revenir.
- En phase « Post-Achat » (Préparation de visite) : l’objectif change, le design aussi. L’UI devient servicielle et rassurante. Nous structurons l’email avec des blocs d’infos pratiques très clairs, des to-do lists visuelles (« N’oubliez pas… ») et des itinéraires.
Le design n’est pas figé : il évolue pour apporter la bonne émotion et la bonne information au bon moment du cycle de vie client. C’est ça, pour moi, une UI intelligente.
Comment articulez-vous les contraintes techniques de l’emailing (compatibilité clients de messagerie, responsive design) avec les ambitions créatives ?
Un bon email marketing est un email qui atteint sa cible et on part d’un principe simple, c’est que moins il y a de fragilité technique, plus l’expérience est fiable. Nous concevons donc des structures Mobile First, pour assurer une compatibilité maximale (notamment sur les anciennes versions d’Outlook).
Les contraintes ne brident pas la création, elles l’aiguisent. On s’appuie sur différents axes comme l’accessibilité (contrastes maîtrisés, typographies lisibles, alt text systématiques), l’adaptabilité (le Dark Mode est anticipé dès la conception avec des couleurs qui fonctionnent dans les deux environnements) et la fiabilité (le message reste compréhensible même si les images ne s’affichent pas).
Cette approche nous permet de créer des emails propres et efficaces, qui tiennent techniquement sans sacrifier l’impact créatif et visuel.
Comment traduisez-vous visuellement une stratégie relationnelle dans la conception d’emails ? Quels sont les codes UI spécifiques aux communications relationnelles versus commerciales ?
Une stratégie relationnelle vise à créer un lien durable, rassurant et humain. Visuellement, ça se traduit par des choix centrés sur la compréhension. L’objectif n’est pas de pousser une action immédiate, mais d’installer une relation de confiance.
Pour des emails relationnels, tout est pensé pour accompagner, expliquer et rassurer l’utilisateur. Pour des emails commerciaux, le design sert à capter l’attention et à pousser une action rapide.
Quel rôle joue l’émotion dans vos créations UI, et comment la mobilisez-vous pour renforcer l’engagement relationnel ? Pouvez-vous nous donner un exemple d’email où l’émotion a été un levier clé ?
L’émotion, c’est ce qui transforme un simple email en un moment de relation. Dans l’UI, elle ne passe pas forcément par des effets spectaculaires, mais par la justesse du ton et du visuel et de la construction de l’email. Mon objectif est de passer d’une communication transactionnelle froide à une communication relationnelle chaleureuse.
Un exemple très parlant est notre travail dans les parcours des triggers sur les paniers abandonnés pour le Parc Astérix. Ce type d’email est souvent traité de manière anxiogène ou culpabilisante. Pour le Parc Astérix, nous avons pris le contre-pied total en jouant la carte de l’humour et de la dédramatisation, fidèles à l’ADN du parc. L’UI joue ici un rôle central de mise en scène : nous utilisons les personnages emblématiques dans des situations cocasses pour illustrer l’oubli, avec un design coloré qui casse la froideur de la relance. C’est la preuve que l’émotion est un levier de performance : on capte l’attention par le sourire pour mieux guider l’utilisateur vers la finalisation de sa réservation.
Si vous deviez donner 3 conseils essentiels à une marque pour optimiser l’UI de ses communications email, quels seraient-ils ? Pouvez-vous illustrer chacun par un exemple de bonne pratique issue de vos réalisations ?
- Un Design System robuste. Chaque nouvel email ne doit pas réinventer la roue. Le design doit servir la cohérence, pas l’ego créatif du moment. Créer une bibliothèque de composants qui garantit que l’email est toujours « on brand », peu importe qui le crée dans l’équipe. Mais il est important de se renouveler pour ne pas lasser ou perdre l’utilisateur tout en respectant une cohérence graphique.
- Penser « Mobile & Accessibility First ». Un email illisible est un email poubelle. L’UI doit garantir que le message passe partout : contrastes suffisants pour les malvoyants, une bonne taille des typos et des boutons . Et compatibilité avec le Dark Mode.
- Hiérarchiser. L’internaute ne lit pas, il scanne. L’UI doit guider l’œil. Il faut hiérarchiser les informations. Il faut aérer et ne pas vouloir en mettre trop. N’oublions jamais que le design sert à vendre.
